Avec l'énorme succès du film français The Artist, on aurait presque tendance à oublier qu'un autre film a largement brillé tout au long de cette saison des récompenses. Il s'agit du film iranien Une Séparation, qui, après avoir décroché un Ours d'or à Berlin, a été distingué à multiples reprises et dans divers pays, en tant que meilleur film étranger et présenté par les médias officiels comme un hommage à la "culture et la civilisation iranienne unique". Son parcours s'achève en beauté en décrochant l'Oscar dimanche soir à Hollywood !
Ce fut donc dans le cadre du Festival de Berlin, en février 2011, que le film iranien Une Séparation avait commencé à attirer la lumière sur lui en décrochant la plus haute distinction, l'Ours d'Or. C'est par la suite la sortie en salles qui a été décisive et le film aura incontestablement profité d'un excellent bouche-à-oreille, en tout cas en France, où le film a enregistré près de 400 000 entrées, distribué principalement dans un réseau de cinémas indépendants, hors multiplexes et grosses enseignes. Pas mal! Une Séparation a fait mouche pour différentes raisons. Sa forme d'abord est intéressante car il même judicieusement une trame pleine de tension qui s'apparente à un véritable thriller avec un suspense bien présent, et des éléments purement dramatiques.
En effet, dans le film, Nader et Simin, des iraniens cultivés et financièrement aisés, se séparent. Elle veut quitter l'Iran, lui souhaite rester, c'est la principale raison de leur discorde, qui sous tend cependant que la femme refuse de se soumettre à la volonté de son mari. La situation est complexe, ils veulent tous deux la garde de leur fille unique, et le père en fin de vie de Nader est pris en charge dans l'appartement familial, où Simin s'occupait beaucoup de lui. Lorsque Simin quitte le domicile pour prendre du recul chez ses parents, Nader se met en quête d'une aide à domicile. Il fait alors appel à une jeune femme mariée, Razieh, dont la famille est dans le besoin alors que son mari est au chômage. Evoluant dans un milieu et l'argent se fait rare et où la religion régit absolument tout, elle accepte ce travail, chez un homme, pour s'occuper d'un homme, sans le consentement de son époux, psychologiquement fragile. Un drame va survenir qui va confronter les deux familles, culturellement étrangères l'une à l'autre. La séparation est celle du couple, mais aussi celle d'une société.
L'interprétation est remarquable et la montée en tension très efficace dans ce film qui nous fait également découvrir deux Iran très différents. Les thèmes abordés sont riches et nombreux, depuis la toute puissance de la religion, l'hypocrisie, la maladie, l'amour. Film politique ou simple drame humain, il est bien difficile de répondre à cette question alors que le réalisateur lui-même, Asghar Farhadi, a souhaité que son film davantage de questions qu'il ne donne de réponses. Cependant, si le personnage de la fille de Simin et Nader est très présent, et si le film s'ouvre et se ferme sur elle, c'est parce que la question la plus importante posée par le réalisateur est la suivante : un enfant iranien a plus d’avenir dans son pays ou à l’étranger ? Si vous n'avez pas encore découvert ce film, nous vous le recommandons chaleureusement. Les institutions internationales du cinéma ne s'y sont pas trompées, le film a reçu les prix de meilleur film étranger dans le cadre des Golden Globes, des Oscars, des Césars, des BAFTA, et des Spirit Award.
Les médias officiels ont eux aussi insisté sur le succès que cette distinction représentait pour l'Iran. Asghar Farhadi a souligné dans son discours de réception la caractère unique de la culture et de la civilisation iraniennes", a mis en avant la télévision d'Etat. Il ajoute que "Les Iraniens sont heureux (…) de voir que leur pays, l'Iran, est évoqué ici pour sa glorieuse culture, son ancienne et riche culture qui a été cachée sous la poussière épaisse de la politique". "Le cinéma iranien fait l'histoire", titrait l'agence officielle Irna, tandis que l'agence Isna affirmait : "Le drapeau iranien flotte sur les Etats-Unis". Le directeur de l'Organisation du cinéma au ministère de la Culture et de l'orientation islamique, Ali Reza Sajadpour, s'est réjoui que "le contexte politique n'ait pas eu d'effet" sur le vote. Il a félicité le réalisateur et assuré que son succès était "celui du cinéma iranien".
"Une Séparation" a toutefois failli ne pas voir le jour, le tournage ayant été suspendu une dizaine de jours à l'automne 2010 par les autorités qui ont exigé des excuses d'Asghar Farhadi après ses interventions en faveur de cinéastes emprisonnés ou mis à l'index pour leur hostilité supposée au régime islamique. Les autorités n'ont finalement apporté leur soutien au film qu'après son immense succès tant en Iran (cinq récompenses au festival Fajr de Téhéran en 2012) qu'à l'étranger (Ours d'or à Berlin, Golden Globe du meilleur film étranger).
Un verdict sans appel!
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